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MOYURU OZORA

 

MOYURU OZORA

Vo. 燃ゆる大空

(Ciel en flammes)

 

Année : 1940
Pays : Japon
Durée: 1h 42 min.
Genre : guerre
Noir et blanc

Réalisateur:Yutaka ABE
Scénario : Yasutarou YAGI

Principaux acteurs :
Katsuhiko HAIDA, Minoru TAKADA, Kazuo HASEGAWA, Satoshi TAKADA

Musique : Fumio HAYASAKA
Compagnie productrice : Toho Company

Avions :

  • -Kawasaki Ki-10-I 
  • -Mitsubishi 2 Ki-1-I
  • -Mitsubishi Ki-21-Ia
  • -Mitsubishi Ki-30 
  • -Nakajima Armée type 91
  • -Nakajima Ki-27
  • -Nakajima Ki-34
  • -Tachikawa Ki-9

 

Notre avis :

"Moyuru ozora" fut un des rares films japonais a être projeté, en 1942, en Allemagne, sous le titre de "Les aigles sauvages du Nippon". Lors de sa première, à Berlin, l'ambassadeur du Japon déclara que cette oeuvre devait resserrer les liens entre les "héros de l'Angleterre" (autrement dit, les pilotes de la Luftwaffe qui s'étaient faits étrillés lors de la bataille d'Angleterre..) et leurs camarades japonais. Il devait aussi permettre de montrer aux spectateurs ce que signifiait le "bushido", cet "esprit de l'action intensive, du stoïcisme, et du désintéressement, qui est la principale qualité de l'aviateur japonais", selon la revue Der Adler, où parut une présentation du film. "Les aigles sauvages du Nippon" est souvent distingué du film "Ciel en flammes" qui est la traduction littérale du japonais "Moyuru ozora". Il s'agit en fait du seul et même film ! Le metteur en scène, Yutaka Abe, était en 1940, un des principaux réalisateurs japonais. Il avait travaillé au début des années vingt, à Hollywood, où il était connu sous le nom de "Jackie Abe", comme acteur, assistant de production, mais aussi comme…maître d'hôtel, entre deux contrats. Comme Kajiro Yamamoto, il tourna plusieurs films ultra nationalistes, à la demande du gouvernement. Ce film fut le premier à être conçu comme un film à grand spectacle, à la façon d'Hollywood.

Ce film présentait pour la première fois des vues réelles de combat aérien, et montrait des vrais avions en action, alors qu'auparavant, la Toho n'avait fait que des films d'aviation avec des maquettes. L'action se déroule en grande partie en Chine, lors du conflit sino-japonais qui entrait dans sa troisième année, au moment de la sortie du film. Depuis la fin de 1938, la guerre commençait à s'enliser, les Chinois ayant adopté une stratégie de guérilla, d'encerclement, en évitant l'affrontement direct. En 1940, les Japonais contrôlaient certes les villes et les voies ferrés, mais pas les campagnes. L'Armée qui avait envoyé en Chine 80% de ses effectifs, commençait à se rendre compte que la victoire devenait impossible.


Le film débute, comme souvent dans les films d'aviation japonais de l'époque, dans un centre d'instruction où sont formés les futurs pilotes de l'Armée impériale. Appels, revues de détail, alternent avec les exercices sur le terrain de manoeuvre. On nous montre la journée de la nouvelle recrue, qui commence par le salut à l'empereur, sans nous épargner aucun détail : douche, petit déjeuner, nettoyage des armes, corvée de linge, coiffeur…Ce genre de scènes n'est pas sans rappeler le film de Lena Riefenstahl, "Le triomphe de la volonté" (1935). Les cadets apprennent que leur corps ne leur appartient pas; il est la "propriété" de sa Majesté Impériale ! Puis on passe directement aux exercices de pilotage sur des biplans, puis des chasseurs monoplaces, ainsi que sur des bimoteurs. Aux vols en formation, succèdent les exercices de tir sur une manche à air remorquée, ou sur des cibles au sol. Lors de la cérémonie de remise de leur brevet de pilote, un officier leur déclare que "mourir de façon glorieuse, est avoir vécu glorieusement. Telle est l'essence du bushido"…La seconde partie du film, se passe en Chine, deux ans plus tard, sur une base qui héberge des escadrilles de chasseurs et de bombardiers. La première mission consiste en l'attaque d'un convoi de l'armée chinoise, par trois chasseurs. L'un d'entre eux est touché et doit se poser en urgence. Mais le pilote endommage son train d'atterrissage. Quand il sort de son avion, on lui tire dessus. Son coéquipier atterrit à son tour, bien que son camarade essaie de l'avertir du danger. Après avoir incendié l'avion accidenté, ils s'envolent tous les deux dans le même appareil. A leur retour, ils sont dignement fêtés par leur groupe. Le lendemain matin, le chef des bombardiers expliquent leur mission aux pilotes sur un tableau noir. Les avions décollent avec leur escorte. Ils sont attaqués par des chasseurs chinois qui réussissent à toucher un bombardier qui doit quitter sa formation. Il se pose en catastrophe dans un marécage. Il n'y a que deux survivants sur les cinq membres d'équipage. Le copilote aide le pilote à sortir de son cockpit. Il doit le prendre sur son dos, car il est blessé à la jambe, afin de rejoindre les lignes amies. Ces pertes affectent grandement l'ensemble des aviateurs. Le lendemain, les chasseurs décollent pour affronter une nouvelle fois la chasse chinoise. Un pilote japonais qui vient d'abattre un avion, est pris en chasse à son tour. Il est gravement blessé. Il parvient malgré tout à revenir à sa base. Ses camarades qui commençaient à désespérer, sont heureux de le voir revenir et atterrir tant bien que mal. Mais il est gravement atteint, et malgré une transfusion sanguine, il meurt au milieu des ses camarades, non sans avoir crié, une dernière fois, "Tenno Heika, Banzai !" (10.000 ans de vie à l'Empereur ! Hourra !). Le film se termine avec le décollage en masse de tous les avions de la base. Les Chinois vont avoir de la visite…


Ce film de propagande est assez étonnant par son ton, empreint d'une certaine tristesse. Avant même les premiers combats, les nouveaux arrivés vont se recueillir sur les tombes des pilotes morts. On les voit, effondrés, pleurer ceux qui ne sont pas revenus. Dans un style très différent des films de propagande allemands ou américains, les réalisateurs japonais mettent en avant les souffrances engendrées par la guerre. Les scènes de combat ne sont pas aussi importantes que la façon dont la guerre affecte les pilotes. Le réalisateur a surtout essayé de susciter de la compassion parmi le public, afin d'obtenir son support moral et matériel. Ce film préfigure aussi ceux qui seront tournés sur la guerre dans le Pacifique, qui mettront également l'accent sur la formation des cadets, qui doit faire de jeunes recrues, à l'esprit confus et fragile, d'authentiques guerriers, dignes des samouraïs.


Finalement, le film reflète assez bien l'état d'âme du soldat japonais face à un ennemi qui lui échappe. On ne voit d'ailleurs aucun Chinois dans le film, à part un ou deux pilotes, dans leurs avions. Le front chinois sera au Japon, un peu ce que le front russe sera à l'Allemagne. Mais les leçons tirées de cette aventure, ne seront pas retenues, puisque l'année suivante, le Japon allait s'attaquer à bien plus puissant que la Chine de l'époque…

Pour l'aérocinéphile, ce film est un régal, non seulement par les avions anciens, et aujourd'hui disparus, qu'il montre, mais par ses très belles scènes de combats aériens réalisées sans aucun truquage, ni maquettes.


Les avions du film :

Au Japon, la formation intermédiaire se fait sur biplans Tachikawa Ki-9. Ces avions portent sur le gouvernail l'insigne de l'école de Kumagawa. La formation avancée est effectuée sur un monoplace Nakajima (Armée type 91). Le Mitsubishi 2 Ki-1-I (Armée type 93-2) était un bombardier lourd qui vit les combats aux début du conflit en Mandchourie, et dans la Chine du Nord. Dans le film, on le voit dans son rôle d'avion d'entraînement.

"Moyuru ozora" nous donne un bon aperçu des avions de l'armée impériale sur le théâtre d'opérations chinois. Le bombardier Mitsubishi Ki-21-Ia (Armée type 97) (Sally) peut être contemplé sous tous les angles. Ces avions sont uniformément gris clair, à part les bandes d'identification horizontales sur la dérive, marquant leur position dans le shotaï (section). Le film fournit quelques vues de l'intérieur de l'appareil et des différents postes, et on remarque que le pilote se tient à droite, comme dans l'aéronavale. Lors d'un combat, le mitrailleur de nez utilise un jumelage de deux mitrailleuses type 89 Spécial, alimentées par deux chargeurs à cadran, mais cet armement semble peu conforme. Cette scène fut filmée en studio, dans une maquette (inexacte) du nez de l'avion. L'armement habituel était d'une seule mitrailleuse de 7.7 mm, type 89, alimentée par bande, et mise à poste au dernier moment.

Le chasseur du film est le Nakajima Ki-27 (Armée type 97) qui fut effectivement utilisé pendant le conflit sino-japonais, jusqu'en 1940. Il sera baptisé "Nate" en 1942, par les Américains. On le voit en deux versions, le Ki-27a, avec la partie fixe de la verrière, munie de deux hublots, et le Ki-27b, avec une verrière à visibilité totale (une première en 1939). On voit les avions parqués dans des alvéoles de protection constituées de sacs de sable. Pour la mise en route des moteurs, on utilise plusieurs pick-up Toyota pourvus d'un système de démarrage. Quand un pilote atterrit pour récupérer son camarade, il ouvre une trappe sous l'avion, pour le caser derrière le siège. Cette trappe (50 x 40 cm), était une porte de visite pour examiner les câbles de commandes des gouvernes. Sur un appareil, une camera est fixée sur l'extrados de l'aile gauche, pour les exercices de tir. On remarquera une manivelle, juste en dessous de la lunette du viseur. Elle servait à ouvrir et à fermer les volets du capot moteur. Les appareils que l'on voit dans le film appartiennent vraisemblablement à une unité d'entraînement avancé. Ils ne portent pratiquement pas de marques, à part l'avion qui doit se poser derrière les lignes ennemies : trois bandes blanches en travers, sur la dérive et le fuselage, sans doute des marques fictives. Aujourd'hui, des 3 399 Ki-27 construits, il n'en existe plus qu'un seul, au Tachiarai Peace Memorial Museum de Miwa (Japon). Il fut repêché du fond de la mer en 1997, et partiellement restauré. La version biplace d'entraînement de cet appareil, le Ki-79b, fut construite par Mansyu en Mandchourie. Le seul exemplaire survivant est exposé à Jakarta, près de l'aéroport.

Les chasseurs chinois sont figurés par des biplans Kawasaki Ki-10-I (Armée type 95), bien qu'ils ressemblent peu aux vrais Curtiss Hawk II/III et Polikarpov I-152 dont étaient équipés les Chinois. Cet avion avait combattu en Mandchourie et en Chine du Nord entre 1932 et 1935. C'était un avion obsolète en 1940, relégué aux tâches d'entraînement et de liaison.

C'est un bimoteur de transport Nakajima Ki-34 (Armée type 97 Transport) qui amène un officier à la base aérienne, en Chine. A la fin du film, on voit plusieurs bombardiers légers Mitsubishi Ki-30 qui s'illustrèrent en Chine et en Mandchourie, surtout quand il n'y avait pas de chasse adverse…




Christian Santoir

*Film en vente sur www.yesasia.com.

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