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Aventure dans le grand Nord

 


AVENTURE DANS LE GRAND NORD

Vo. Island in the Sky

 

 

Année : 1953
Pays : Etats-Unis
Durée : 1 h 49 min.
Genre : aventures
Noir et blanc

Réalisateur : William A. Wellman
Scénario : Ernest K. Gann

Acteurs principaux :
John Wayne (Capitaine Dooley), Lloyd Nolan (Capitaine Stutz), Walter Abel (Colonel Fuller), James Arness (Mac McMullen), Andy Devine (Willie Moon), Allyn Joslyn (J.H. Handy, Jimmy Lydon (Murray), Harry Carey Jr. (Ralph Hunt), Hal Baylor (Stankowski), Sean McClory (Frank Lovatt).

Photographie : Archie Stout
Prises de vues aériennes : William Clothier
Musique : Emil Newman, Hugo Friedhofer
Producteurs : Robert Fellows, John Wayne
Compagnie productrice : Batjac Productions

Avions :

  • Douglas DC-3
  • Douglas C-47B, NC91014

 

Notre avis :

Pour réaliser ce film, William Wellman bénéficia de l'aide de deux personnes particulièrement compétentes. L'une était le scénariste Ernest K. Gann, un pilote de Transocean Airlines qui signa de nombreux scénarios de films d'aviation : "Blaze of noon"(1947), "The High and the Mighty"(1954), "Fate is the hunter"(1964), "The Aviator"(1985). L'autre était John Wayne, une énorme vedette en 1953, dont le talent s'imposait quelque soit la personne située derrière la caméra. Ce film convenait parfaitement aux trois et leurs contributions furent complémentaires.

"Aventure dans le grand nord" fut le premier roman d'Ernest Gann, écrit d'après ses notes prises alors qu'il faisait la navette entre l'Amérique et l'Europe, pendant la guerre, à une époque où beaucoup de pilotes civils étaient engagés par l' Air Transport Command. Pour le film, il s'était servi d'une histoire vécue, la recherche d'un équipage perdu dans le grand nord canadien, comme il le racontera dans son autobiographie, "Fate is the hunter" (1961). Hollywood avait remarqué le livre, paru en 1944, bien avant que Wellman et Wayne ne s'y intéressent. La 20th Fox et le producteur Stanley Kramer avaient pris une option dessus. Wellman le découvrit quand un agent littéraire le lui donna. Pilote lui même, vétéran de la première guerre mondiale, "wild Bill" Wellman fut tout de suite séduit. L'histoire correspondait à un de ses thèmes favoris, quelques personnages isolés, piégés par les événements. Il exprima son enthousiasme à la Warner et à Wayne, qui en fit le premier projet de sa toute nouvelle compagnie de production. Gann fut chargé d 'écrire le scénario, mais fut également nommé conseiller technique du film. On partit ensuite à la recherche de lieux de tournage dans le nord de la Californie, que l'on trouva vers Donner Lake (au sud ouest de Reno). On commença par filmer les scènes aériennes avec un vieux DC-3.

L'histoire commence rapidement quand un DC-3 piloté par le capitaine Dooley, vole dans la crasse et commence à givrer. Ignorant sa position précise, sans liaison radio à cause des parasites et à court de carburant, il fait un atterrissage d'urgence dans le Labrador, dans un endroit reculé, mal cartographié. Ayant survécu à l'atterrissage forcé, les cinq hommes d'équipage réalisent qu'ils ne sont pas sortis d'affaire. Leurs vivres sont insuffisantes et leur radio n'a presque plus de batterie pour envoyer un SOS. Pendant ce temps, un petit groupe de pilotes militaires montent une opération de sauvetage qui s'avère délicate. S'ils tardent trop, les naufragés seront morts de froid avant d'êtres secourus, et s'ils se précipitent, ils risquent de ne pas les voir. Pour se protéger du blizzard, les naufragés construisent une hutte en branchage où ils allument un modeste feu de bois, pour se réchauffer. Dooley est très apprécié par ses collègues civils et ils se mobilisent eux aussi pour le rechercher. Le copilote de Dooley, Lowatt, parti seul à la chasse, meurt de froid. La radio de bord n'ayant plus de batterie, tous les espoirs résident sur la radio de secours qui peut émettre, mais pas recevoir. Un avion capte leur appel mais le signal est trop faible pour faire un relèvement. Plusieurs fois, des avions reçoivent leurs SOS mais n'arrivent pas à les situer avec précision. Trois avions survolent les naufragés sans les voir ! Civils et militaires regroupent leurs informations pour déterminer le lieu approximatif du crash. La femme du navigateur de Dooley téléphone de New York pour savoir où en sont les recherches, car elle vient d'avoir un enfant. Les avions repartent et se rendent sur la zone où les derniers messages radio ont été entendus. Après avoir navigué aux étoiles, il leur faut traverser un épaisse couverture nuageuse, avant de déboucher sous un plafond très bas au milieu des montagnes. Alors que leur essence diminue et qu'un avion est obligé de faire demi tour, le capitaine Stutz capte un signal intermittent droit devant lui ! Volant à basse altitude, deux avions repèrent les rescapés et leur larguent des vivres, des couvertures et du courrier. Ils sont sauvés !

L'histoire réelle dont est inspiré le film eut lieu le 3 février 1943, quand un C-87 (Le version de transport du B-24 Liberator) piloté par le capitaine Chuck O'Connor, dut se poser dans le nord de l'état du Québec, lors d'un vol en provenance de la base de Thulé. Quand on le retrouva, un DC-3 de Northeast Airlines essaya d'atterrir à coté, pour prendre l'équipage, mais il s'enfonça dans la neige à l'atterrissage. Les rescapés passèrent trois semaines à coté d'un lac, avant d'être récupérés ! Comme d'habitude, la réalité dépasse la fiction. On remarquera que le film s'arrête au moment où les naufragés des neiges sont localisés, sans nous montrer la suite...

Les vues aériennes (18 minutes) de William Clothier sont de bonne qualité, avec des C-47 évoluant au milieu de sommets enneigés. Les scènes au sol furent filmées à Truckee Airport (CA), un terrain qui a beaucoup changé depuis.

Le conseiller technique fit un bon travail, et les acteurs pilotes semblent bien connaître les procédures du DC-3 (réglages des trims, des volets, manœuvre du train…). Le film présente néanmoins quelques invraisemblances. Au moment de l'atterrissage de nuit, dans la neige, les membres de l'équipage du DC-3 sont regroupés, debout, juste derrière les pilotes, au lieu d'être en position de crash à l'arrière de la cabine. Plus tard, on ne comprend pas bien pourquoi le navigateur, qui est équipé d'un sextant, et alors que le ciel est parfois dégagé, n'arrive pas à faire le point une seule fois en six jours et à le communiquer par radio.

Ce film sans femmes, ou presque, au rythme un peu lent, insiste sur les conditions de vie de l'équipage naufragé. Une voix off (celle de Wellman) explique parfois la situation ou les pensées du capitaine Dooley, qui doit maintenir le moral de ses hommes et organiser la survie. Comme le scénariste, pendant la guerre, les pilotes du film font partie de l'Air Transport Command, fondé en 1942. Cet organisme para militaire comptait beaucoup sur les compagnies privées pour fournir des pilotes, des navigateurs et des radios, afin de faire voler les avions de transport de l'USAAF.

Le film met aussi à l'honneur la petite radio qui sauve les aviateurs. C'est un émetteur de secours étanche (modèle BC-778/SCR-578/AN-CRT3) appelé affectueusement "Gibson girl", vu sa forme échancrée, rappelant la silhouette des femmes corsetées figurant sur les gravures de mode de Gibson, à la fin du XIX° siècle ! Cet émetteur avait été copié sur un modèle allemand de la seconde guerre mondiale. Grâce à ses échancrures latérales, il pouvait être tenu fermement entre les jambes, pendant qu'on actionnait la manivelle (80 tours par minute) pour produire le courant électrique nécessaire à l'émission. Le navigateur explique que l'antenne peut être attachée à un cerf volant ou un ballon, fournis avec. Cet appareil pouvait émettre un SOS en automatique, ou envoyer des signaux Morse sur 500 kHz. Comme on le souligne dans le film, tourner la manivelle demandait une certaine force…

Beaucoup de critiques furent assez tièdes au moment de la sortie du film. Le sujet était assez banal, et une mise en scène des plus académiques donnait au film un air de déjà-vu. Au lieu de se livrer à une étude des personnages vus de l'intérieur, le film décrit surtout une tentative de sauvetage d'un équipage, et c'est là qu'il ne réussit pas à se démarquer des productions du genre. Mais les spectateurs trouvèrent qu' "Aventure dans le grand nord" était un grand film d'aviation, comme nous d'ailleurs. Wellman avoua, plus tard, qu'il lui rapporta beaucoup de dollars, mais aussi un bel avis d'imposition…

 

Les avions du film :

La compagnie Transocean, à laquelle appartenait Ernest Gann, fut chargée par la production de louer trois Douglas DC-3 à TWA. Ils furent convoyés, de Kansas City, où était installé le QG de TWA au début des années 50, jusqu'à Oakland, la base de Transocean, par les pilotes de la compagnie, qui les pilotèrent également lors du tournage, moyennant une bonne prime. A Oakland, les marquages de la TWA furent maquillés (plus ou moins bien) et remplacés par ceux de l'USAF. Un fils de William Wellman, bien jeune à l'époque, affirme, dans les bonus du DVD, que ces vieux avions avaient bien été récupérés à Kansas City, mais dans un parc à ferraille, ce qui apparait faux.

Mais il y eut d'autres avions, à commencer par l'avion caméra, d'où opéra William Clothier, et qui est inconnu. On voit aussi, à un moment, quatre DC-3 en formation. Il y a également un Douglas C-47, avec "RESCUE" marqué sur le fuselage, et une bande (jaune) à l'arrière du fuselage; le train est équipé de skis. Il s'agit peut être d'un extrait de documentaire.

Les Douglas du film ont sept hublots de chaque côté (soit, une configuration à 21 passagers) et des capots moteur peu profonds, couvrant des Wright "Cyclone" R-1820, à une seule rangée de cylindres. On notera l'ancien emplacement de l'antenne du radio compas manuel, situé juste au-dessus du pare brise; l'antenne a été déplacée plus loin, en arrière de l'astrodôme, sur le dos du fuselage, et enfermée dans un carénage noir (peinture au graphite) profilé. Plusieurs avions de TWA avaient ce type de montage, assez rare, comme on peut le voir sur des photos d'époque (mais ils n'avait pas d'astrodôme…). Les avions sont également équipés d'un radio compas automatique, dont on voit le carénage, sous le cockpit.

Le fuselage des avions porte l'inscription, "United States Air Force", une appellation qui n'apparut qu'après 1947. Les étoiles américaines avec lignes rouges datent de 1947, également. La dérive et le bout des ailes des DC-3 sont de couleur (rouge, sans doute), comme les avions opérant en milieu polaire, mais leurs serials sur la dérive sont très bizarres : "1045", "1046" et "1048". Ces faux serials à quatre chiffre sont peu crédibles et aucun recoupement avec les immatriculations des DC-3 ou C-47 de la TWA, qui en employa plus d'une cinquantaine, n'a pu être établi.

L'avion des naufragés des neiges porte le nom de "Corsair" sur le nez. Le "Corsair" est muni d'une petite porte passager, et non d'une porte cargo, ce qui indique c'était un transport de passagers, comme d'ailleurs le "1048" qui ravitaille, au début du film, un terrain secondaire.. On ne voit pas très bien comment on aurait pu ainsi charger le moteur en étoile (un Pratt & Whitney 1830 Double Wasp, sans sa rampe d'allumage) que l'on voit dans la soute…L'avion de Dooley a le numéro "1045" sur la dérive, comme, d'ailleurs un autre DC-3 qui participe aux recherches.

En étudiant très attentivement les images des scènes aériennes, on arrive à voir "TWA", inscrit sous l'aile droite des avions, ce qui confirme leur appartenance à cette compagnie. Mais, plus important, on a pu, en "travaillant" les images, reconstituer une immatriculation, trouvée sous l'aide gauche d'un des Douglas du film, le "1046". On arrive à distinguer "NC17323", en partie recouvert par un grand "USAF".

Le NC17323 fut effectivement un vieux Douglas DC3-209 (c/n 1969), mis en service par la TWA en août 1937 (NC17323), avec le code "Sky Club 373". Il fut vendu, en janvier 1953, donc peu après le tournage, à l'Union Steel and Wrecking Co. En 1962, il fut acquis par la Fuerza Aerea Ecuatoriana (s/n FAE 1969, HC-AUV) qui le confia aux Transportes Aéreos Militares Ecuatorianos (TAME). En 1978, il fut cédé à une compagnie colombienne, la SEP SA. (Servicios Aereos Especializados Transportes Petroleros) et immatriculé HK-3350. Puis, il servit plusieurs années au sein des Aerolineas Llaneras. Après 1987, on perd sa trace. En 2011, son fuselage (sans dérive) était abandonné sur le petit terrain de Villavicencio La Vanguardia (Colombie).

Un autre matricule est vu sur l'aile droite de l'avion du capitaine Stutz, quand il se penche pour regarder son moteur droit qui vient de tomber en panne. Ce matricule assez net est "NC91014". Il ne s'agit pas d'un avion ayant appartenu à TWA. C'était un Douglas C-47B (c/n 25768, de Wien Alaska Airlines. Ce transport de l'USAAF (s/n 43-48507) fut livré à l'US Navy, comme R4D-6 (BuN. 17265), avant d'être acheté par Wien Alaska, en 1946. Notons que cet appareil apparait, au sol, sous les couleurs de cette compagnie, dans un épisode de la série TV "Sky King", en 1958. En février 1959, il fut vendu à l'Armée de l'Air thaïlandaise. Cet avion est-il le quatrième Douglas du film ou son aile est-elle vue  sur un extrait d'un autre film ? On ne saurait dire, vu le peu d'information existant sur le matériel aérien utilisé par cette production...

 

Christian Santoir

* Film en vente sur amazon.fr

 

 

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