Rechercher dans ce blog

ALERTE EN MEDITERRANEE

 

ALERTE EN MEDITERRANEE

 

Année : 1938
Pays : France
Genre: drame
Durée : 1 h 25 min.
Noir et blanc

Réalisateur : Léo JOANNON
Scénario : Léo JOANNON, T.H. ROBERT

Acteurs principaux :
Pierre FRESNAY (le commandant Lestailleur), Nadine Vogel (Claire Lestailleur), Rolf WANKA (von Schlieden), Kim PEACOCK (le commandant Falcon), Jean-Claude DEBULLY (le petit Pierre), Jean TEMERSON (le docteur Laurent), Louis SEIGNER (le juge d'instruction), Raymond AIMOS (Huguenin, le second-maître), Jean TISSIER (le journaliste), Fernand LEDOUX (Martin).


Musique : Michel MICHELET
hotographie : Marcel LUCIEN
Producteur : Alexandre KAMENKA
Compagnie productrice : Société des Films Vega

Avions :

  • Bréguet Bizerte Br.521
  • CAMS 55-10
  • Levasseur PL.15
  • Lioré et Olivier H-257bis

 

Notre avis :

«Alerte en Méditerranée » sortit le 7 septembre 1938 et reçut le Grand Prix du Cinéma français en 1939, plus pour son message politique que pour sa qualité artistique. Ce film de fiction était, en effet, le reflet d’une actualité brûlante;  après la fin de la guerre d’Espagne, où les fascistes avaient triomphé, l’Anschluss, puis la crise des Sudètes, l’Europe se préparait, malgré elle, à la guerre avec l’Allemagne. Les camps se définissaient (le Danemark, la Suède, et la Belgique se déclarant neutres, n'ayant aucune confiance dans la "protection" française ou anglaise...), les premières mesures de défense passive apparaissaient (distribution de masques à gaz, construction d’abris..), on rappelait les réservistes…Au milieu du cliquetis des armes, « Alerte en Méditerranée » (qui aurait pu s'appeler "Alerte en Europe" !) se veut résolument pacifiste, sur le thème : « si tous les gars du monde voulaient bien se donner la main... ». Il prône l’amitié avec l’Allemagne, tout en feignant d’oublier son fascisme virulent et agressif, ainsi que son réarmement accéléré, alors que l'on ne parlait que de désarmement chez nous. Il est le produit, à la fois, de la peur de la guerre et du pressentiment de l’invasion. Trois semaines après la sortie du film, la calamiteuse conférence de Munich équivaudra, pas tant à faire reculer la guerre qu’à la rendre inéluctable. Chamberlain croyait encore que "Monsieur le chancelier" Hitler était un « gentleman » et qu’il tiendrait parole. Consternant ! Quant à Daladier, il savait à quoi s’en tenir, mais ne pouvait le dire à une population qui désirait se tromper elle-même…Un an après, presque jour pour jour, ce film aurait pu s’appeler « La grande illusion», si ce titre n’avait déjà été utilisé en 1937.

L’histoire commence à Tanger (ville de tous les trafics...) où trois navires de guerre ont fait relâche : un torpilleur français, le « Fortuné », commandant Lestailleur; un destroyer anglais, le « Cromwell », commandant Falcon ; une unité allemande, le « Schwalbe », commandant Von Schlieden. Dans l'avant-port, un pétrolier, le « Stella Maris », est en quarantaine à cause d’une soi-disant épidémie de fièvre jaune. Le docteur du bord, Laurent, est allé en ville, malgré l'interdiction. Martin, l'armateur du cargo, le suit avec un matelot, car il craint que Laurent ne révèle, par ses bavardages, la vraie nature de sa cargaison. Dans un bar où a éclaté une bagarre générale entre marins, le docteur, ivre et trop loquace, est poignardé par le compagnon de Martin. Des matelots français, allemands, anglais, sont arrêtés et leurs commandants prennent leur défense, ce qui provoque quelques frictions entre eux. Sur le « Stella Maris », le capitaine Dulac désapprouve le meurtre de Laurent; il se livre à la police, en avouant que le chargement du bateau n'est pas du pétrole, mais du « 424 », un produit chimique très dangereux qui, mélangé à l’eau, provoque un gaz asphyxiant mortel, contre lequel les masques à gaz ne fournissent aucune protection ! Martin, qui a pris le commandement du cargo, lève l'ancre. Seul, le « Fortuné » est en mesure de se lancer à sa poursuite; Falcon et Von Schlieden, montent à son bord comme officiers de liaison, mandatés par leurs commandements. Quand le pétrolier est rattrapé, ses marins se révoltent et se rendent. Par dépit, Martin vide le chargement à la mer ! Poussé par le vent, le gaz se répand sur la mer et menace le paquebot « El Djezaïr », en route vers la France, et qui transporte l’épouse et le fils de Lestailleur qui étaient venus le voir à Tanger. Le « El Djezaïr » ne peut s’échapper car il est en panne, suite à une avarie de machine. Des hydravions de la Marine nationale interviennent alors pour sauver les enfants. Pour évacuer les autres passagers, le « Fortuné » fonce à travers la nappe de gaz délétère. Mais, Von Schlieden est gravement intoxiqué par le gaz et succombe. Le film se termine sur les trois équipages et les commandants Lestailleur et Falcon, au garde à vous, rendant un dernier hommage à leur camarade allemand dont le corps est confié à la Méditerranée.

On remarque que c’est l’officier allemand qui a le beau rôle en se sacrifiant pour la cause commune. Il n’est pas sûr qu’après cinq ans de formatage national socialiste, les jeunes officiers de la Kriegsmarine aient eu envie de se sacrifier pour un pays «enjuivé » qui avait imposé à leur patrie des conditions iniques en 1918…Plus subtile et plus intéressante, est l’opposition entre l’officier français et l’officier britannique. Certes, on sait que la Royale n’aimait guère les « Rosbifs » depuis Trafalgar (1805), mais ce trait est révélateur de l’animosité latente qui existait, en France, avant la guerre, envers la Grande-Bretagne. L’Entente cordiale avait été décrétée en 1904, mais n’était pas passée dans les mœurs. A Dunkerque, les soldats français accuseront les Britanniques de les avoir rejetés à la mer; la défaite française sera aussi la faute des Anglais qui n’auraient guère participé aux combats, pour préserver leurs forces (thème dont la propagande nazie s’emparera avec le slogan : « les Anglais se battront jusqu’au dernier Français… »). Coté anglais, on n’apprécia pas la traîtrise des Français qui, contrairement à leurs engagements, avaient signé une paix séparée avec l’Allemagne, les laissant ainsi seuls face aux nazis. Ce film annonce, en quelque sorte, Mers-el-Kebir, Dakar et la campagne fratricide de Syrie.

L’élément dramatique du film est causé par le gaz « 424 ». Le gaz était la hantise de la dernière guerre, à cause de la première, où cette arme, employée par les Allemands, avait fait des ravages. La population européenne (militaires et civils, adultes et enfants…) vécut en 1939-1940, avec un masque à gaz en bandoulière. Mais Hitler refusa d’employer les gaz, sauf dans les camps de concentrations, bien sûr…

A bord du « El Djezaïr », on voit un petit échantillon de notre bel empire colonial, censé constituer la force de la France à l’époque ; on a ainsi l’officier des spahis (le glaive), le père blanc (le goupillon), emmenant au séminaire deux petits noirs (baptisés de prénoms humoristiques, David et Goliath, comme s’amusaient à en donner les prêtres aux petits Africains : Pulchérie, Athanase, voire, FêtNat. !), sans oublier le dignitaire marocain qui se rend en « métropole » avec son fils…

Le film fut réalisé avec le concours de la Marine nationale et on ainsi l’occasion de voir quelques exemplaires de notre belle flotte (au quatrième rang mondial en 1939). Le bateau du commandant Lestailleur, « Le Fortuné », est un torpilleur d’escadre de la classe « L’Adroit », qui joue son propre rôle. Au début du film, on voit le croiseur lourd « Georges Leygues » ; l’amiral a mis sa marque sur le croiseur « Algérie » qui sera sabordé à Toulon en novembre 1942. Lors des obsèques de Von Schlieden, on voit un destroyer anglais (classe S ?) et le vieux cuirassé allemand « Schleswig-Holstein » qui entrera en activité dès le premier jour de la guerre, à Dantzig. Le paquebot « El Djezaïr » est en réalité, le « El Mansour », son sister-ship, qui appartenaient tous les deux à la Compagnie de Navigation Mixte qui reliait l’Afrique du Nord à Marseille.

L’aviation n’est pas absente de ce film de marine, mais n’intervient qu’à la fin.

 

Les avions du film :

L’Aéronavale nous donne un petit échantillon de son équipement, en 1939. On voit ainsi cinq Bréguet Bizerte Br.521, autour du « El Djezaïr » stoppé. On assiste à l’amerrissage, à proximité, du Breguet Bizerte « E.11 » (n° 15). On en a quelques brèves vues du poste du navigateur, par où embarquent les enfants, ainsi que du poste de pilotage. Cette scène a sans doute été tournée sur un parking. Le « E.11 » avait été pris en charge par l’escadrille d'exploration E1, le premier semestre 1937. En septembre 1939, l’avion était basé à Port Lyautey (Maroc) et lors de l’Armistice, il se trouvera stocké à Toulon-Le Mourillon. Puis, on perd sa trace. Tout ce que l’on sait, c’est qu’il ne servit pas sous les couleurs de la Luftwaffe.

En plus de cet hydravion d’exploration et de surveillance lointaine, on voit également en vol une formation de cinq CAMS 55-10, basés à Berre, à l’époque.

L’avion qui repère le « Stella Maris » est un hydravion monomoteur Levasseur PL.15. Plus tard, on voit un hydravion bimoteur éclaireur de combat (bombardement) Lioré et Olivier H-257bis faire un passage bas près du « El Djezaïr ». Au moment du tournage, les Bréguet et Lioré du film étaient basés à Berre, les Levasseur, à Saint Mandrier.

Tous ces hydravions biplans, dont la conception remontait aux années 20, font figure d’antiquités et ils étaient, à la veille de la guerre, plutôt obsolètes malgré d'indéniables qualités; ils n'étaient pas, en tout cas, de taille à lutter contre les chasseurs allemands ou…anglais.

 

Christian Santoir

 *Film disponible sur https://ok.ru/video

 

Enregistrer un commentaire

Copyright © Aeromovies. Designed by OddThemes