L'EQUIPAGE
Année : 1935
Pays : France
Genre: drame
Durée: 1h 50
Noir et blanc
Réalisateur : Anatole LITVAK
Scénariste: Joseph KESSEL, d’après son roman «L’équipage»
Acteurs principaux :
Annabella (Hélène/Denise), Charles Vanel (Le lieutenant Maury), Jean Murat (Le capitaine Thélis), Jean-Pierre Aumont (Jean Herbillon), Daniel Mendaille (Deschamps), Roland Toutain (Narbonne), Viviane Romance (Une girl)
Musique : Arthur Honneger, Jean Wiener
Photographie : Armand Thirard
Conseillers techniques : P. Carretier et R. Phelizon
Production : Noë Bloch
Distribution : Pathé Nathan
Avions :
- -Fokker D.VII
- -Hanriot H 436
Notre avis :
Ce film appartient à la période française d’Anatole Litvak. C’est un remake du film muet de Maurice Tourneur de 1927 d’après le même scénario de Kessel. C’est à notre connaissance, le seul film d’aviation français traitant de la première guerre mondiale. Litvak fera paraître en 1937 une version américaine « The woman I love » avec Colin Clive, Louis Hayward, Paul Muni, Miriam Hopkins. Bien que le scénario, basé sur l’éternel triangle : une femme et deux hommes, soit on ne peut plus banal, Litvak réussit à captiver le spectateur. Certes, pour certains, parmi les plus jeunes, ce film paraîtra vieilli voire suranné. Rien à voir ici avec les films spectacles comme « Le baron rouge » ou « Le crépuscules des aigles » ; ici, pas de couleurs, d’explosions, d’hémoglobine, pas de sexe, mais une magnifique photographie, une musique signée Chopin et Arthur Honegger. Ce film suscite de l’émotion, pas des sensations. Il est à la fois un drame sentimental et un film de guerre qui décrit avec une grande véracité la vie des aviateurs français sur le front et les liens particuliers qui unissent pilote et observateur sur un biplace de combat ; à deux, ils ne forment plus qu’un seul être et partagent tout. Chez les Allemands, le premier était familièrement surnommé « Emil » et le second « Franz ».
Certaines scènes sont remarquables : le départ des soldats pour le front, à la gare ; le mess des aviateurs avec ses coutumes et ses chansons grivoises; l’atmosphère enfumé du beuglant où des filles (dont Viviane Romance) dansent le french cancan ; et par dessus tout, les scènes aériennes où avions et nuages sont filmés avec un grand art. La dernière scène où les nuées s’obscurcissent alors qu’Herbillon est en train de mourir a conservé, même de nos jours, une grande intensité dramatique. Enfin, ce film est servi par des acteurs de premier plan. Annabella est toujours aussi photogénique, ce qui n’est pas le cas de bien des vedettes des années trente. On remarque le cascadeur aérien, Roland Toutain, que l’on retrouvera dans la « Régle du jeu » de Renoir.
L’histoire commence lors de l’offensive de la Somme (juillet-novembre 1916) et se termine avec l’armistice, le 11 novembre 1918. A Paris, Jean Herbillon, jeune aspirant qui s'apprête à partir pour le front en qualité d'observateur à l'escadrille SAL 37, a fait une conquête d'un soir. Il ne connaît que son prénom - Denise - mais de cette brève rencontre un grand amour est né. A son arrivée au front, Jean est désigné pour "faire équipage" avec le lieutenant Maury, excellent pilote qui devient son ami. Comme Jean doit repartir en permission, Maury lui confie une lettre pour sa femme, Hélène. L'aspirant s'acquitte de sa mission, mais une surprise l'attend : Hélène et Denise sont une seule et même personne. Bouleversé par cette révélation, le jeune homme va devoir choisir entre l'amour et l'amitié, non sans déchirement. Alors que l'escadrille 37 est repliée vers l'arrière, Denise tente de reprendre contact avec son amant, mais celui-ci la fuit, sans donner d'explications. La guerre touche à sa fin. Une ultime offensive (la « deuxième Marne » en juillet-août 1918) va être déclenchée. Un moment, Jean est tenté de se dérober à son devoir pour rejoindre la jeune femme, qui le supplie de se faire affecter à l’arrière. Mais l'honneur commande. Il retourne au front, en compagnie de Maury. Leur avion est abattu; Jean est tué, Maury blessé. Hélène revient soigner son mari qui a enfin compris le drame de son co-équipier.
Les avions du film :
La version parlante de l’Equipage fut réalisée avec le concours du Ministère de l'Air et les conseils d'un officier expert, le capitaine Carretier. Deux des interprètes du film, Jean Murat et Daniel Mendaille (dans le film, le chasseur alpin gardien des traditions de l’escadrille et du lapin mascotte) avaient fait leur service dans l'aviation pendant la guerre de 1914-18. Les extérieurs furent tournés à Mourmelon. Litvak tint à reconstituer aussi précisément que possible les appareils de l'époque. Il eut beaucoup de difficultés à se procurer des Fokker D VII ; il en trouva trois en Belgique, qu'il fit remettre à neuf pour l'occasion. L’armée belge avait en effet récupéré à la fin de la guerre, 35 Fokker D VII qui restèrent en service jusqu’en 1930, date à laquelle ils furent versés dans les escadrilles d’entraînement jusqu’en 1935.
Les Salmson 2A2 de la SALM 37 sont remplacés par des Hanriot H 436. Cet appareil apparu en 1934, était utilisé pour l’observation et l’entraînement des réserves. La SALM 37 est une unité fictive. Par contre la SAL 39 crée le 14/02/1918 avec son insigne, le « lapin blanc à la trompette ». fut l’escadrille où servit le sous lieutenant Joseph Kessel. Les Hanriot ont conservé leur camouflage de 1935 et on remarque que la tourelle de mitrailleuse avait fort peu changé depuis la guerre. Les Fokker, comme dans les films américains, portent des croix de fer et leurs mitrailleuses de capot moteur sont mal fixées et peu ressemblantes. La décoration en damier a existé sur plusieurs appareils allemands, mais il s’agissait toujours de marques individuelles, jamais de marques d’escadrille comme le suggère l’uniformité des décorations des trois avions.
Christian Santoir
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