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BROWN B-3

LE BROWN B-3

Le bel inconnu d’Hollywood

 

Les studios d’Hollywood firent souvent appel à des avions célèbres, comme le B-17, le DC-3, les Travel Air, et autres Stearman, mais aussi à des avions presque inconnus, des modèles uniques qui n’avaient trouvé nulle part acquéreur. Il y a ainsi le Capelis, le Phillips Aeroneer...Le constructeur, faute de pouvoir trouver un marché pour son prototype, récupérait ainsi, en le louant ou en le vendant à un studio, une petite partie du capital engagé. Le Brown B-3 est sans doute le moins connu de ces canards boiteux, et les informations le concernant sont particulièrement rares, voire inexistantes.

Lawrence W. Brown commença à voler en 1914 et fut successivement, pilote mercenaire au Mexique, instructeur chez Glenn Martin, pilote d’essai chez Standard Co, puis pour l’Armée à titre civil. Dès 1916, il avait construit son premier avion pour faire de la voltige. Au début des années vingt, il se trouve au Mexique, comme consultant en aéronautique auprès du gouvernement. Il y dirige également une petite compagnie de transport et de travaux agricoles. En 1924, il retourne en Californie où il est employé par le constructeur de moteur et d’avions légers, Bert Kinner. C’est ainsi que Brown dessina le Kinner K Sportster. Mais il finit par se mettre à son compte, et à se spécialiser dans la conception de racers, dans sa petite entreprise située à Clover Field, Santa Monica (Ca.). Le premier avion de course dessiné par Brown, le Brown B-1 (NR-83Y), apparaît aux National Air Races de 1933. Il dessine également le Miles & Atwood Special (NC225Y) qui gagna le premier Greve Trophy (1934), piloté par Lee Miles. En 1934, Brown construit un autre racer, le Brown B-2 «Miss Los Angeles» (X/R255Y) qui participa aux courses nationales jusqu’en 1938, date à laquelle il fut détruit, à Cleveland, entraînant la mort de son pilote. On peut apercevoir cet avion sur un film d’actualité, dans «Mercy plane» (1940). Une réplique de cet avion construite en 1972 par Bill Turner, est également visible dans «The Rocketeer» (1991). Le B-2 présentait la marque de fabrique de Brown avec une surface frontale très faible, un aérodynamisme poussé, malgré une aile haubanée et un train fixe. La dérive réduite, incluse dans un fuselage de section constante, constituait sa signature. Enfin, les avions de Brown étaient propulsés par des moteurs Menasco en ligne, inversés.

En 1936, Brown est contacté par le célèbre Roscoe Turner pour lui construire un racer sur ses indications. Brown favorisait de petits avions légers, très bien profilés, propulsés par des moteurs de faible puissance. Mais les conceptions de Turner sont à l’opposé, il préfère la puissance aux dépens de l’aérodynamique. Brown et Turner ne peuvent donc s’accorder. Turner se tourne alors, pour terminer son avion, vers « Matty » Laird de Chicago, un autre constructeur de racers réputés. Laird ajoute une aile cantilever à fentes, et un moteur Pratt & Whitney Twin Wasp de 1000 chevaux ! Bien que l’avion soit appelé le "Turner Special", il conserve un cockpit et un fuselage portant la touche de Lawrence Brown. La même année, Brown construit un nouveau racer extrapolé du B-2, le Brown B-3 (s/n 101, NX266Y), un peu plus grand, avec un moteur Menasco C6S-4 plus puissant (250 cv), qui est achevé en février 1936. Comme le B-2, il dispose d’un fuselage long, d’un moteur étroitement capoté, et d’un train fixe caréné (roues et jambes), l’aile étant toujours haubanée. Mais cet avion n’apparaît dans aucune compétition, alors que trois ans après sa sortie, son prédécesseur, le B-2, participait régulièrement aux courses.

Fig. 1. Le Brown B-3 à sa sortie (février 1936) à Mines Field. © Emil Strasser.

 

Le B-3 aurait donné lieu à une version biplace (selon le site Aerofiles.com), le B-3 "Super Sport" équipé d’ailes à fentes et d’un moteur surcompressé moins puissant, un Menasco de 160 cv. Etait-ce une tentative pour vendre ce racer ?  Etait-il destiné à une clientèle de pilotes sportifs, ou, plus vraisemblablement, à l’Armée, comme avion d’entraînement ? Un Brown B-2 avait déjà été construit pour l’Armée qui s'intéressait alors au concept du chasseur léger. Mais la construction du B-3 avec un fuselage en tubes soudés recouverts de toile, des ailes en bois, un train très haut et à voie étroite, un long capot gênant la vue du pilote placé tout à l’arrière, et un moteur en ligne Menasco sujet à problèmes, ne dut pas séduire les experts de l'Army Air Corps

 En mars 1936, le B3 est légèrement accidenté, et vendu à un certain docteur Ross Sutherland de Los Angeles, qui le cède aussitôt, en mai de la même année, à la société Menasco qui l'utilise pour essayer des moteurs et une hélice à pas variable. Le patin de queue est remplacé par une roulette Bendix, le capot moteur est modifié, les amortisseurs du train sont remplacés ainsi que tout le système d'alimentation d'essence. En juin 1938, l'avion qui n'a que 37 heures de vol, est vendu au constructeur, et ancien pilote du B-1, Ralph Bushey qui se propose de poursuivre les essais menés par Menasco. Ces expérimentations devaient servir au nouvel avion d'entraînement de l'Armée, en construction chez Harlow. L’avion apparaît alors sur le plateau du film "Tailspin" (1939), à la gloire des femmes pilotes de course. Il y fait une timide entrée en scène, comme figurant au fond d'un hangar, où il domine de sa haute taille les autres racers. A partir de 1939, le B3 qui a 58 heures de vol, ne vole plus beaucoup. Le 24 mars 1941, il est vendu à Herb L. White, le chef pilote de la compagnie Phillips, mais aussi un habitué des plateaux de cinéma, qui le loue à plusieurs productions. Dans «International squadron» en 1941, le B-3 figure le prototype d'un nouveau chasseur (à train rentrant ) proposé à la RAF. Il joue même le « nouveau Spitfire », avec des marques et un camouflage anglais. Pour cela, on a peint au dessous des ailes, les logements des roues, et fixé des trappes sur les jambes du train ! Mais si son moteur marche, il ne décolle pas. La même année, dans « Flying cadets » d’Universal, le B-3 est un avion expérimental qui a de mauvaises caractéristiques de sortie de vrille, et doit être de nouveau essayé avec un parachute anti-vrille. Il s’agit en outre d’un biplace, mais avec la même immatriculation que le monoplace (X266Y). On le voit décoller et atterrir, mais en l’air, il est remplacé pas une maquette.

 

 
Fig.2. Le Brown B-3 biplace de «Flying cadets» © Universal pict

 

 Le cockpit est muni d'une verrière, dont la partie abritant le pilote coulisse vers l’arrière. Mais la partie avant, semble être faite d’un seul tenant, et ne peut donc coulisser vers l’arrière sans occulter la place du pilote; soit elle s’ouvrait sur le coté, ou c’était simplement une maquette.

 

 
 Fig.3. Le Brown B-3 biplace de «Flying cadets» © Universal pict

 

Le B-3 apparaît aussi dans la série « Junior G men of the air » (1942). On voit juste le monoplace à l’atterrissage et au sol, dans le rôle d’un racer. Dès le troisième épisode, il est devenu biplace. On a enlevé la verrière à l’avant, en laissant juste le pare-brise, la place arrière en étant dépourvue. On ne le voit pas quitter le sol dans cette configuration. Ce biplace sera vu sur le tarmac du Metropolitan Airport de Los Angeles, alias aéroport de Tanger, dans « Casablanca ». La même année, dans « Flight Lieutenant » (1942), c’est de nouveau un chasseur proposé à l’Armée, et il est revêtu de cocardes militaires. On le voit décoller, mais en l’air, c’est une maquette à train rentrant qui le double. Cette maquette se retrouve dans la série « Captain midnight » (1942) de la Columbia. La dernière apparition du B-3 en tant qu'acteur, a lieu dans « Flight for freedom » (1943), où il est un racer (monoplace) appelé « Lipstick » et piloté, comme de juste,  par une femme. Là encore, il ne vole pas. Enfin, début 1944, il apparaît une dernière fois, en monoplace plus ou moins démonté, faisant de la figuration dans un hangar, dans «Ladies courageous» (1944) d’Universal. En fait, l'avion fut détruit dans l'incendie du hangar n°7 du Metropolitan Airport de Van Nuys, en octobre 1943, peu avant la fin du tournage. Il fut rayé des registres de la CAA le 29 mars 1948.

 Il n’est pas sûr que ces divers films montrent les deux versions du Brown B-3, le racer et le Super Sport. Le biplace avait des ailes avec fentes, or ne voit rien de cela sur les biplaces des films ; en outre, le monoplace et le biplace portent au cinéma, la même immatriculation, ce qui est incompatible avec un avion muni d’une aile et d’un moteur différents. Il est fort possible qu'il s'agisse du même monoplace transformé. Devant le pare brise du monoplace, on remarque une trappe amovible ou un capot, donnant accès à un coffre. C'est dans cet emplacement qu'est logé l'éventuel passager, le pare-brise étant fixé devant. La verrière qui recouvre la nouvelle place est enlevée quand des gens montent à bord. Il s'agit là de transformations pour les besoins du cinéma, le Brown B-3 qui était un avion "experimental", n'était pas certifié pour emmener des passagers qui ne montaient à bord qu'au sol...

  

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En quatre ans de carrière, le Brown B-3 aura été à la fois figurant et acteur. A un moment où l'Amérique entrait en guerre, et où les avions militaires n'étaient guère disponibles pour les tournages, son allure racée lui valut de jouer les prototypes de chasseurs, ce qui était un peu osé vu ses haubans et son train fixe; mais à l'époque, Hollywood ne s'encombrait pas de telles considérations ! Le B-3 joua néanmoins deux fois les avions de course, un rôle où il était plus à l'aise, et qui lui convenait beaucoup mieux.. Dans la réalité, il aura été ni l’un, ni l’autre.

 

 
Fig.4. Plan du Brown B-3 biplace


Filmographie :

  • -Tailspin (1939)
  • -International squadron (1941)
  • -Flying cadets (1941)
  • -Junior G men of the air, série (1942)
  • -Casablanca  (1942)
  • -Flight Lieutenant (1942)
  • -Flight for freedom (1943)
  • -Ladies courageous (1944)

 

 Christian Santoir

 

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