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AEROGRAD

 

AEROGRAD

Vo. АЕРОГРАД

 

Année : 1935
Pays : URSS
Genre :drame
Durée : 1 h 16 min.
Noir et blanc
 

Réalisation : Aleksandr DOVJENKO
Scénario : Aleksandr DOVJENKO

Acteurs principaux :
Stepan CHAGAIDA, Stepan CHKOURAT, Boris DOBRONRAVOV, L. KAN, I. KIM, Elena MAKSIMOVA, Evguenia MELNIKOVA, Vladimir OURALSKI


Images : Mikhaïl GUINDINE, N. SMIRNOV, Edouard TISSE
Musique : Dmitri KABALEVSKI
Compagnie productrice : Mosfilm, Ukrainfilm

Avions :

  • -Polikarpov R-5
  • -Tupolev TB-3

 

Notre avis :

 Le réalisateur Dovjenko, vétéran de la guerre civile, membre du Parti communiste, dévoila lors du Congrès des travailleurs du cinéma de 1935, son projet de film sur une ville à construire à l'autre bout du pays, au bord du Pacifique, pour protéger son pays contre le Japon fasciste. Il prédisait une guerre mondiale dans laquelle l'URSS serait inévitablement entrainée; il est vrai que les écrits des fascistes allemands et japonais exposaient, sans aucune vergogne, leur plans et leurs programmes de conquête mondiale, pris par certains, pour de folles utopies...L'avenir allait lui donner raison. Les Japonais n'attendront pas pour tâter le terrain, par Mandchous interposés, dès février 1936, en faisant des incursions en Mongolie, une république socialiste alliée de Moscou. Ces "incidents"  allaient dégénérer dans la région de la Khalkin Gol, en 1939, en un affrontement direct entre troupes soviétiques et japonaises.

 La ville future devait s'appeler "Aerograd", car construite grâce à un un aérodrome qui la reliait au reste du pays. C'était peu avant les raids aériens à longue distance encouragés par Staline et destinés, entre autres, à relier Moscou aux parties les plus reculées de la vaste URSS. Il y allait aussi de l'unité nationale, le pouvoir soviétique peinant à s'imposer dans les provinces orientales, refuge des Russes blancs comme des Coréens ou Japonais, tous ennemis du régime. Il convenait également d'exploiter les ressources de cette immense territoire.

 Le film commence par un avion survolant la taïga dans laquelle on trouve le vieux chasseur Stepan Glushak, un ancien partisan bolchevik, chargé de préparer le terrain pour la construction de la future cité d'Aerograd; sa construction commençera lorsque les aviateurs auront débarqué, c'est-à-dire d'ici quelques jours. En attendant, il poursuit deux saboteurs venus de la Mandchourie avec de la dynamite. Après une longue poursuite, Glushak tue l'un d'eux, un samouraï japonais. L'autre, également un Japonais, s'enfuit et va être caché par Hudjakov, un chasseur, ami de Glushak. Le fils de Glushak ,Wladimir, est pilote et il a épousé une autochtone qui met au monde un enfant qui sera le premier habitant d'Aerograd. Mais le village, peuplé de "vieux croyants", réfugiéss là depuis la Révolution, est soulevé par lekoulak Chabanov, opposé à la construction de cette ville qui nuit à ses intérêts. Glushak revient alors avec un détachement de volontaires bolcheviks, liquider l'agitation et fusiller son ami Hudjakov. Bientôt, des centaines d'avions, venus de tous les horizons de l'URSS et de la Sibérie, amènent dans la taïga les constructeurs de la ville nouvelle. Pour protéger la construction d'Aerograd, la Marine intervient également. Un jeune Tchouktche, qui a traversé la taïga sur ses skis, se dit prêt à participer à la construction de la ville et à y étudier.

 Ce film de propagande met en scène une caricaturale lutte des classes en opposant les Anciens aux  Modernes. D'un coté, les héros bolcheviks, des gens heureux allant de l'avant, qui chantent, font la fête, qui préparent le progrès avec l'aviation et n'hésitent pas, comme le fils de Glushak, à épouser des femmes issues des ethnies locales, consacrant ainsi la véritable union des peuples bolcheviques. De l'autre, les "vieux ritualistes" (comme ils s'appellent eux mêmes), groupés autour de leur prêtre, des koulaks qui les maintiennent dans l'obscurantisme. La morale de l'histoire : l'homme bolchevique devra être sans pitié avec les traîtres, même avec ses amis qui auront choisi le mauvais camp. Qu'on se le dise !

 Les samouraïs représentent la menace visant l'URSS et constituée par les puissances étrangères, dont le Japon, ennemi séculaire de la Russie depuis les tsars. Les deux espions japonais présentés avec des stéréotypes hystériques, sont les alliés objectifs des contre-révolutionnaires. Le Japon signera avec l'Allemagne le pacte Anti-Komintern, en novembre 1936, un an exactement après la sortie du film. Après Pearl Harbour, les Japonais, soucieux de ne pas à avoir à combattre sur deux fronts, éviteront soigneusement de provoquer les Soviétiques, ce qui arrangera leurs affaires étant trop occupés eux mêmes, à l'ouest..L'URSS ne déclarera la guerre au Japon que le 8 août 1945, deux jours après le lancement de la première bombe atomique ! Staline ne prenait guère de risque et accourait à la curée, les Américains ayant fait tout le "travail"...

 Ce film, de toute évidence très stalinien, est un pur produit du réalisme soviétique, avec ses très belles images de la taïga et de la mer. Il faut aussi mentionner la musique à base de chansons russes spécialement adaptées aux différentes scènes. Elles accompagnent généralement des mouvements aériens impressionnants (comme la première scène, avec l'avion dans les nuages, sur fond de chant patriotique ) et soulignent la grandeur de la tâche en train d'être accomplie. Dovjenko était un réalisateur qui avait commencé sa carrière au temps du muet, et ça se voit : utilisation de "cartons" entre les scènes, théâtralité poussée du jeu des acteurs...

 Si on oublie la propagande, ce film peut être considéré comme un western (ou plutôt un "Eastern"..) à la mode soviétique, les pionniers bolcheviks devant faire face aux Indiens (Japonais et Tchouktses), mais aussi à un gang de conservateurs et d'exploiteurs (koulaks, russes blancs, prêtre) tenant sous sa coupe un petit village isolé. Quant au chemin de fer, qui sillonne la prairie, il est ici remplacé ici par l'avion qui survole la taïga. Leur rôle est le même, ouvrir au monde moderne, cette frontière lointaine.

 La construction d'"Aeorograd" semble avoir été prévue à l'endroit où sera construite la ville portuaire de Sovetskaya Gavan, qui fut un ancien fort à l'époque des tsars, et, de 1950 à 1954, le site d'un camp d'internement du Goulag, ce qui tendrait à prouver que les "vieux ritualistes" du film avaient la vie dure...

 

Les avions du film :

 Le principal avion du film est le Polikarpov R-5, un solide biplan construit en grand nombre servant à la fois à la reconnaissance, à l'attaque au sol ou au transport.  Il équipait aussi les forces aériennes mongoles. Celui que l'on voit dans le film est un avion militaire, le poste d'observateur étant équipé d'un anneau-tourelle sans son arme. Le film nous en fournit de très belles vues, dont celle d'un R-5 évoluant au milieu de gros cumulus laiteux, des images dignes d'un film d'Howard Hughes...On voit également une formation de cinq Polikarpov I-16. Puis, il faut attendre la fin du film pour voir des dizaines de R-5, mais aussi de Tupolev TB-3, converger vers Aerograd. Ces avions apparaissent ensuite, en nuées, sur des transparents déroulés devant la caméra...

 On remarquera la séquence de parachutage à partir du TB-3. Les parachutistes sautent par la porte, mais aussi à partir de l'aile (ils se tiennent alors à une sorte de main courante fixée au fuselage) et d'autres sont simplement assis sur le fuselage, les jambes dans le vide...Seuls ceux sautant par la porte, sautent en automatique, les autres (plus expérimentés ?), en ouverture commandée. Rappelons que les unités parachutistes étaient en 1936 une nouveauté et les images du film,  montrant des centaines de corolles déployées, annonçaient les grandes opérations aéroportées de la guerre (Crête, Normandie..).

 La scène finale ne met pas seulement les aviateurs à l'honneur, mais aussi la Marine, représentée par  deux sous-marins de la classe Leninets et deux de la classe Dekabrist, filmés lors d'une parade navale.

 

 Christian Santoir

 *Film disponible sur YouTube

 

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