Pays : USA
Genre : guerre
Durée : 1h42
Noir et blanc
Réalisateur : David MILLER
Scénario : Kenneth GAMET, Barry TRIVERS
Principaux acteurs :
John WAYNE (Capitaine Jim Gordon), John CARROLL (Woodrow 'Woody' Jason), Anna LEE (Brooke Elliott), Paul KELLY (Hap SmithPilote), Gordon JONES ('Alabama' Smith), Mae CLARKE (Verna Bales), Addison RICHARDS (Colonel R. T. Lindsay), Edmund MacDONALD ('Blackie' Bales Pilote), Bill SHIRLEY (Dale), Tom NEAL (Reardon Pilote), Malcolm 'Bud' McTAGGART (McCurdy Pilote), David BRUCE (Lieutenant Barton Pilote)
Musique : Victor YOUNG
Photographie : Jack MARTA
Effets spéciaux : Howard LYDECKER
Producteur : Edmund GRINGER
Compagnie productrice : Republic Avions :
-Curtiss P-40C Warhawk (maquette éch. 1/1)
-Capelis XC-12 N12762
-Mitsubishi G3M type 96 (images d'archives)
-Nakajima Ki-27
Titre VF : Les Tigres Volants
Notre avis :
Si «Flying Tigers» rappelle un des meilleurs films d’aviation d’Howard Hawks «Seuls les anges ont des ailes» (1939), ce n’est pas par hasard. Des éléments de l’intrigue et des personnages ont été purement et simplement empruntés au film précédent ! Mais ici, l’histoire d’une petit groupe de pilotes et d’un individu arrogant qui trouve finalement le chemin du devoir en se sacrifiant pour la cause commune, est destinée à l’effort de guerre. Ce film fut une vraie chance pour la petite compagnie de production Republic, ainsi que pour l’étoile montante, John Wayne dont ce fut le premier film de guerre, et qui allait en faire quatre autres entre 1942 et 1945 (rappelons que John Wayne n’endossa l’uniforme qu’au cinéma ).
Les vrais «Tigres volants» furent crées et organisés par le général Claire Chennault pour défendre la route de Birmanie, un axe stratégique reliant le port de Rangoon à Kunming, en Chine. En 1937, Chennault alla en Chine comme conseiller aéronautique de Chiang Kai-Shek, et lors de l’été 1941, il recruta des pilotes américains pour combattre les Japonais aux cotés des Chinois. Le gouvernement chinois payait en plus d’une solde confortable, une prime pour chaque avion descendu, et entre décembre 1941 et juillet 1942, les pilotes de l’AVG (American Volunteer Group) abattirent environ 300 avions ennemis. En 1942, certains pilotes du groupe furent incorporés dans l’US Army Air Corps. Le réalisateur insista pour que les studios contactent Chennault afin qu’il demande au généralissime Chiang Kai-Shek d’écrire un petit mot, en reconnaissance des services rendus par les Tigres Volants. La contribution du leader chinois ouvre le film, en lui donnant un air d’importance. Republic sortit ce film en octobre 1942. C’était le second grand film produit depuis Pearl Harbour. Le scénario est plutôt classique , et repose sur l’ éternel triangle : une femme et deux hommes.
Jim Gordon est le chef des «Flying Tigers», une unité de pilotes mercenaires américains opérant en Chine contre les Japonais. Ces pilotes sont d’origine diverses, certains motivés par l’argent, d’autres par le patriotisme ou le simple frisson du combat. Un jour, un vieil ami de Jim, Woody Jason, abandonne son poste de pilote commercial à la Rangoon Airways, pour s’engager dans l’escadrille, attiré par l’appât du gain. Lors d’un raid japonais, alors qu’il n’a aucune expérience du combat aérien, il saute dans un avion sans permission, pour se rendre compte en l’air que l’avion n’est pas armé ! Il est abattu; bien qu’il soit indemne, son avion est détruit. Woody est un individualiste, peu enclin au travail d’équipe ; en l’air, son comportement met en danger la vie de ses compagnons. Au sol, il n’hésite pas à courtiser Brooke, une infirmière qui est la petite amie de Jim. Un soir qu’il sort avec elle, il arrive trop tard pour participer à une patrouille. C’est «Hap» Smith qui a pris sa place ; mais ce dernier vient d’être interdit de vol, suite à des problèmes de vue. Il se tue en percutant un avion japonais. C’en est trop, et Jim met à la porte Woody. C’est alors que se répand la nouvelle de l’attaque de Pearl Harbour et de l’entrée en guerre des Etats-Unis. Le lendemain, Jim apprend qu’on doit bombarder un pont ferroviaire. L’objectif est très bien défendu, et la seule solution est d’effectuer le bombardement à basse altitude, en empruntant un avion civil que les Japonais connaissent bien. Il s’agit d’une mission à haut risque et Jim se porte volontaire. A peine entré dans l’avion, il se rend compte que Woody est aux commandes ! Ils bombardent le pont avec succès, mais leur avion est touché; Jim saute en parachute, mais Woody reste à bord pour précipiter l’avion sur un train de DCA.
Cette histoire est très vaguement inspirée des vrais exploits de l’AVG, appelé par les Chinois les «Tigres volants». Les pilotes des AVG n’étaient pas des civils recrutés sur place, mais des pilotes provenant pour les deux tiers de l’US Navy et des Marines, le tiers restant étant issu de l’Armée. Dans le film, Jim Gordon est appelé «Pappy», comme Greg Boyington, un instructeur des Marines qui sera embauché comme chef de patrouille. Boyington démissionnera en avril 1942, pour réintégrer plus tard, comme réserviste, son corps d’origine où il se distinguera, au point de devenir, en 1976, la vedette d’un feuilleton TV («Les têtes brûlées»). Ces pilotes étaient en Asie avec l’approbation de la Maison Blanche, l’oncle du président, Frederick Delano, faisant partie du bureau de recrutement, installé dans l’ambassade de Chine .
Contrairement à ce qui est montré dans le film, où tous les combats interviennent avant Pearl Harbour, les AVG ne firent leur première mission de guerre que le 9 décembre 1941, et il faudra attendre le 20 décembre, pour qu’ils enregistrent leurs premières victoires, au dessus de Kunming. Mais, il était sans doute bon de dire que les Américains n’avaient pas attendu la «surprise» de Pearl Harbour pour combattre l’invasion japonaise. Cependant le film est émaillé de scènes, et dialogues, inspirés de la vie réelle des AVG. Ainsi, quand Woody casse un P-40, un des pilotes lui dit que s’il continue, il deviendra un as japonais ! Cet plaisanterie acide fut effectivement adressée à Edwin Conant, un pilote d’hydravion PBY, qui cassa trois P-40 durant l’entraînement
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Le succès de «Flying Tigers» tient en partie à l’esprit patriotique du moment, alors qu’une lueur d’espoir apparaissait dans le Pacifique. Il fournissait également au public un héros guerrier populaire, en la personne de John Wayne. Le film ne fut pourtant pas exempt de critiques diverses. Bien que la présentation des Japonais comme des bandits sans scrupules ne choquât personne, les autorités notèrent que les Chinois étaient plutôt ridicules. Elles critiquèrent aussi le fait que soient mis en valeur des faits héroïques individuels, au détriment du travail d’équipe. Certains anciens membres l’AVG accusèrent le film de parodier la réalité et d’avoir choisi comme conseillers deux pilotes (Lawrence Moore et Kenneth Sanger) qui avaient été renvoyés en janvier 1942, pour malversation...Mais ces critiques ne ternirent pas l’image du film. Une raison du succès fut l’authenticité des scènes d’action, renforcées par l’insertion de documents d’actualité japonais.
La plupart des scènes furent filmées au Russell Ranch, à Calabasas, utilisé fréquemment pour les westerns de Republic et situé à quelque trente kilomètres des studios de Studio City (CA). Les décorateurs y reproduisirent le quartier général des AVG à Kunming, les chênes du ranch abritant les P-40. Certes, le ciel bleu de la Californie ne correspondait pas exactement à celui de la Birmanie, plutôt chargé de nuages de pluie
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Les avions du film :
Les priorités du temps de guerre interdisaient l’utilisation de vrais P-40. Les six Curtiss P-40C Warhawk que l’on voit rouler au sol sont des maquettes à l’échelle 1 construites en bois et en toile, par les spécialistes des effets spéiaux, les frères Lydecker. Deux des avions furent équipés de moteurs OX-5 et capables de rouler jusqu’à 90km/h. Les autres étaient mus par des moteurs électriques pour faire tourner les hélices. Ces «avions» rouleurs étaient dirigés du cockpit en utilisant une roulette de queue surdimensionnée et le gouvernail. Les ailerons et la profondeur étaient simplement peints sur les plans. Ces avions n’avaient pas d’amortisseurs et le moindre déplacement provoquaient de fortes secousses et oscillations que l’on voit bien dans le film. Le camouflage uniforme n’est pas très exact, à part les marques de nationalité chinoise et la célèbre gueule de requin dessinée par Erik Shilling qui l’avait copiée sur un Curtiss Tomahawk de la RAF en Egypte, décoration elle même copiée sur des Messerschmitt Bf.110 allemands rencontrés en Grèce et en Crête. Les Curtiss des AVG portait un camouflage deux tons, vert et brun, le dessous de l’avion étant gris clair. Les « avions » du film ne portent aucune insigne d’escadrille (ni le célèbre tigre volant dessiné par Disney, ni la belle pin up «hell’s angel» aux poses suggestives du 3th Pursuit squadron..), à part des numéros individuels (70, 71, 72, 74, 76, 77, 78, 79, 85, 87, 88). Les vrais avions des AVG étaient des Curtiss Hawk H-81A-2 ou A-3, équipés d’une plaque de blindage derrière le pare brise, de quatre mitrailleuses d’ailes et deux de capots. Ces avions étaient destinés à l’origine à la RAF. Ils furent peu à peu remplacés par des Curtiss P-40E/M.
Les maquettes réalisées sont en fait un curieux mélange des deux types de P-40 ; la silhouette générale assez élancée est celle du P-40E (alors que le Hawk est courtaud et trapu) avec un avant d’Hawk caractéristique avec sa prise d’air ronde sur la capot moteur, flanquée des protubérances des deux mitrailleuses. Ces derniers détails sont de taille exagérée et la casserole d’hélice pointue du Hawk est mal reproduite. Les cockpits sont beaucoup trop grands avec une verrière fantaisiste, et un pare-brise plus proche du P-40E que de celui du Hawk. Mais les viseurs à réticule, chers au studios de cinéma, sont ici nullement anachroniques. Les photos d’ époque ne montrent jamais de collimateur sur les Hawk de l’AVG..
Ces maquettes en bois à 10.000 $ l’unité, réapparaîtront dans d’autres films, comme « Wings over the Pacific » (1943), «China’s little devils» (1945), et même, au début de l’autre film sur l’AVG, «God is my copilot» (1945). Rappelons que de l’autre côté du Pacifique, les Japonais tourneront en 1944, un film «Kato’s Hayabusa sentaï» sur l’as Tateo Kato qui affronta les «Tigres volants» dont il abattra deux avions. Notons également que le cinéma japonais d’après guerre utilisera souvent des maquettes d’avions grandeur nature (Cf. «Zero pilot» en 1976).
Coté équipement des pilotes, on remarquera le port curieux de lunettes de tankistes Resistal modèle 1938, au lieu des habituelles Wilson Mk 1 ou 2, en dotation dans l’US Navy ou l’US Marines Corps. Autre curiosité, on voit les pilotes grimper dans leur avion par la droite, alors qu\'hier comme aujourd\'hui, on entre dans un chasseur par la gauche, côté où se situent les marchepieds et autres poignées.
A la différence des autres films comme «A Yank in the RAF» et «Eagle squadron», on ne voit pas la vedette ou les pilotes se presser contre l’aile ou le fuselage du seul avion disponible filmé en studio. Pour la première fois, le réalisateur faisait un usage intelligent de sa « flotte aérienne » sur l’écran. Le réalisateur utilisa également à bon escient plusieurs scènes filmés à l’usine Curtiss Wright de Buffalo (New York) où l’on voit décoller et atterrir plusieurs P-40F (à moteur Rolls-Royce), des avions en attente de livraison, repeints aux couleurs de l’AVG. Le P-40F n\'équipa jamais les Tigres volants. Au sol, on remarque aussi plusieurs Hawk 81A-2, aperçus sur un terrain, vraisemblablement en Chine (à Kunming ?). Avec leurs gueules de requins, leurs marques chinoises et leurs camouflage deux tons, ce sont de vrais Tigres volants (dont les numéros 53 et 40 de la 2° escadrille \"Panda bear\"). On en voit également deux, en courte finale, dont les images sont mélangées avec celles des P-40F filmés aux USA...
Ces vues de vrais avions furent complétées par des documents d’actualité japonais tournés sans doute en Chine, montrant des bombardiers Mitsubishi G3M type 96 et Ki-21, des chasseurs à train fixe Nakajima Ki-27. Dans une scène, Jim Gordon parle de ce dernier appareil à ses hommes, en montrant sur le tableau, un plan trois vues d’un Mitsubishi A5M4 ! Il est vrai que les «Tigres volants» se frottèrent au Nakajima Ki-43 Hayabusa en le confondant avec le Mitsubishi «Zero»...Sur d’autres documentaires, apparaissent des avions qui n’ont pas grand chose à faire sur le théâtre d’opération sino-birman : un Spitfire et un Vickers Wellington tirés du film anglais «The lion has wings» (1940), des Junkers Ju-86 et ce qui ressemble à un biplan Polikarpov, tous issus de films sur la guerre d’Espagne.
Le tournage utilisa néanmoins un seul véritable avion. Il s’agit du Capelis XC-12 (N12762) de «Rangoon airways» au début du film, qui est employé aussi comme bombardier lors de la scène finale, avec le faux matricule civil chinois B 2762 de la compagnie fictive CBAC (une imitation de la vraie compagnie chinoise CNAC qui était équipée, entre autres, de Douglas DC-2 et 3). Cet exemplaire unique ne servit qu’au cinéma, et au sol ; mais comme on le voit dans le film, mû par ses deux moteurs, il roulait très bien. Il ne vole que sous la forme d’une maquette très réaliste fabriquée par l’atelier des effets spéciaux.
Pour les combats aériens, on employa de nombreuses maquettes, parmi lesquelles on reconnaît des Curtiss P-40, des Nakajima Ki27, des Mitsubishi Ki-30 . Pour les vues rapprochées en studio, on utilisa une maquette grandeur d’un cockpit censé être celui d’un Ki-27, mais dont la verrière est plus proche de celle d’un Zéro.
C.S
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